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Lecture - L'homme est un conteur d'histoires

Adrien Rivierre

 

A travers de nombreuses disciplines comme les neurosciences, la biologie, la psychanalyse ou encore l'anthropologie, Adrien Rivierre nous rappelle la richesse et l'utilité des récits. Pour tous ceux qui aiment lire ou qu'on leur raconte des histoires.


La Nausée, de Jean-Paul Sartre :

« Voilà ce que j'ai pensé : pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter. C'est ce qui dupe les gens: un homme, c'est toujours un conteur d'histoires, il vit entouré de ses histoires et des histoires d'autrui, il voit tout ce qui lui arrive à travers elles; et il cherche à vivre sa vie comme s'il la racontait. »

 

N.B. Comme vous le constaterez mon objectif n’est pas de vous proposer une synthèse ni une analyse de ces lectures mais de vous en offrir mes extraits préférés pour, peut-être vous donner envie de les lire.

 

« Le conteur d'histoires cherche toujours à savoir pourquoi les choses ont lieu comme elles ont lieu. Il est avant tout un poseur de questions invétéré qui doit s'émerveiller du monde comme un enfant.


Paul Harris, professeur de psychologie à l'université d'Harvard, a montré que les enfants entre deux et cinq ans posent environ quarante mille questions et que, à partir de quatre ans, leurs questions visent davantage à connaître les explications d'un fait que le fait lui-même. Un bon récit doit permettre à son lecteur ou auditeur de garder cette âme d'enfant et, in fine, d'avoir appris quelque chose sur un thème fondamental de la vie humaine. »


« Mais comment expliquer la puissance de la structuration binaire?

Tout semble indiquer qu'elle fait écho à notre façon de penser. C'est une structure mentale et cognitive d'appréhension du monde. Dans la pensée chinoise, le yin et le yang permettent ainsi d'éclairer l'ensemble des phénomènes qui composent notre monde, selon deux forces qui se rejoignent pour expliquer le Tout. En Occident, la philosophie stoïcienne avance qu'il y a des choses qui dépendent de nous et d'autres qui sont indépendantes de nous. Cette altérité/binarité sous-tend nos vies. »


« Les histoires permettent ainsi de s'affranchir des cadres d pensée traditionnels et des contraintes propres à chaque discipline. Elles reflètent notre curiosité, une qualité nécessaire pour notre survie. Elles maintiennent notre intelligence affûtée dans une sorte de « jeu cognitif» et aiguisent sans cesse notre curiosité. Curiosité que le psychologue Steven Pinker définit comme le fait d'« utiliser des connaissances qui expliquent comment les choses fonctionnent pour atteindre des buts en dépit d'obstacles». Une telle définition pourrait parfaitement convenir au récit ! »





« Au-delà des processus d'apprentissage et de mémorisation, l'homme jouit d'une véritable intelligence narrative, qui pourrait être qualifiée « intelligence Sherlock Holmes »... Le professeur Michael Gazzaniga identifie en effet, dans l'hémisphère gauche du cerveau, une partie chargée de créer du sens à partir des très nombreuses informations reçues en permanence. Il nomme cette partie du cerveau « the Interpreter ». Le circuit neuronal est ensuite chargé de trier et d'organiser l'ensemble de ces informations, notamment sous forme d'un récit. Et quand l'hémisphère gauche n'a pas la réponse, il préfère inventer une histoire plutôt que de ne pas savoir. Il déteste l'incertitude, les coïncidences et le hasard. Tout se passe comme si Sherlock Holmes avait élu domicile dans notre cerveau. À partir d'informations qui semblent chaotiques, il parvient toujours à créer un récit. Une simple expérience révèle ce pouvoir. »


« Ainsi, des récits qui permettent de surmonter les événements les plus difficiles rythment nos vies et créent une indispensable zone de «confort psychologique ». Grâce à eux, le réel est mis à distance. Il ne s'agit pas de déformer la réalité sciemment ou de créer des fictions de toutes pièces, mais, en un sens, de se détourner de la réalité pour éviter de la regarder en face quand elle est trop douloureuse à supporter momentanément ou durablement. Ce détour devient nécessaire pour se préserver psychologiquement ou pour entamer un chemin vers une sérénité perdue. »


« Il n'est pas rare de verser une larme à la fin de Cyrano de Bergerac, de retenir sa respiration, transi de peur, devant la scène de l'assassinat sous la douche, dans Psychose d'Alfred Hitchcock. Comme le rappelle aussi Eco, « nous nous émouvons sur Anna Karénine parce que, ayant souscrit au pacte narratif, nous avons feint de vivre dans son monde comme s'il était le nôtre, et au bout d'un moment nous avons oublié que nous étions en train de feindre 105». La recherche a montré que le caractère fictionnel des personnages n'est en rien un obstacle pour se sentir proche d'eux, pour connaître et s'identifier à leur vie. Au point qu'il devient possible de se demander, comme le chanteur Philippe Katerine en février 2019 lors de la cérémonie des Césars, « ce que deviennent les personnages après les films ». »


« Le psychanalyste Bruno Bettelheim confère aux récits le pou de nous faire trouver un sens à notre vie. Avec les jeunes patients dont il s'occupait, il a fait appel aux contes de fées pour éveiller curiosité, leur faire prendre conscience des questions existentielles qui se posent à l'homme et de les amener à trouver des solutions: « Bref, elle [l'histoire] doit, en un seul et même temps, se mettre en accord avec tous les aspects de sa personnalité sans amoindrir, au contraire en la reconnaissant pleinement, la gravité de la situation de l'enfant et en lui donnant par la même occasion confiance en lui et en son avenir. » »



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